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LE FLEUVE SACRÉ de Shûsaku ENDO


Fukai kawa – le fleuve sacré

ENDO Shusaku

I- Présentation de l'auteur

Endo Shusaku est né le 27 mars 1923 à Tokyo. Son père était banquier et sa mère violoniste.
Quand Shusaku avait 3 ans ils sont allés à Dairen dans la région de Manshuku (Chine) à cause du métier de son père. Quand il avait 10 ans, en 1933, ses parents ont divorcé, il est rentré à Kobe au Japon avec sa mère . C'est là où Shusaku a été baptisé, sur le conseil de sa tante qui était déjà catholique.

Il a obtenu une licence de littérature française à l'Université de Keio de Tokyo, quand il avait 25 ans ; sa thèse de licence portait sur Mauriac.

Il est allé à Lyon en 1950 quand il avait 27 ans étudier la littérature catholique française moderne, surtout Mauriac. Il a été influencé par son roman Thérèse Desqueyroux, notamment.

Plus tard il a placé ce personnage de Thérèse dans ses propres oeuvres...

Il a obtenu le prix Akutagawa avec Le blanc (shiroi hito) en 1955, quand il avait 32 ans.

Un an plus tard son fils est né, et il l'a nommé Ryuunosuke, en allusion au prénom d'Akutagawa.

II – le Fleuve sacré

Le livre que je vous présente aujourd'hui s'intitule Le fleuve sacré : en japonais, le titre n'est pas exactement le même, puisque le livre s'appelle Fukai kawa : ce qui signifie littéralement, la rivière profonde. Je reviendrai plus longuement plus tard sur le sens de ce titre.

Ce roman, qui a obtenu le prix artistique de Mainichi en 1994, reprend pour la dernière fois le thème, très cher à Shusaku, du rapport entre le catholicisme et les Japonais.

Shusaku pense que les Japonais sont incapables de comprendre le moteur du catholicisme qui est la séparation du Bien et du Mal. Cette séparation correspond en effet à une vision rationnelle du monde, à une vision européenne de l'analyse et de la segmentation. Le cœur et la raison, l'âme et le corps, la vie et la mort qui sont des couples classiques de la pensée occidentale ne sont pas aussi distincts dans l'approche japonaise de l'existence, qui est une approche plus synthétique.

Comme cette idée est à la fois assez simple et presque impossible à démontrer, Shusaku va donner à son roman une structure simple et intuitive. Il va nous faire suivre l'itinéraire particulier de plusieurs personnages, qui vont tous se retrouver en Inde. Il va se servir de cette structure romanesque classique, le roman de la recherche, le roman de la quête, pour nous faire comprendre que l'on peut suivre plusieurs chemins, qu'ils peuvent paraître très différents, mais qu'ils parviennent tous au même but.

A – les personnages

Dans ce livre, on va trouver 7 personnages principaux qui expriment tous, avec plus ou moins de force et de détail, des aspects de la personnalité de Shusaku.
Je vais les reprendre l'un après l'autre, pour que nous comprenions bien, à quel point ils sont bien plus que des personnages, qu'ils sont chacun une porte d'entrée dans le roman.
1) Isobe

représente le japonais typique de l'ancienne époque, celui qui ne montre jamais vraiment ses sentiments, même pas à sa femme. Il travaille sérieusement, sans penser à sa femme. Car elle est comme l'air pour lui. On ne pense jamais à l'air qu'on respire : on y pense seulement quand il manque.

C'est après avoir perdu sa femme Keiko à cause du cancer, qu'il a compris combien est important l'amour du couple. Soudain, sa vie perd son sens : il devait partir en voyage avec elle au Portugal, mais c'est désormais inutile. Il a attendu jusqu'à la retraite pour partir avec elle, et elle ne viendra jamais.

Comme si elle avait senti que son mari serait complètement perdu sans elle, comme si elle avait compris qu'il regretterait intensément de n'avoir jamais vraiment vécu avec elle, tant il était absorbé par son travail et ses soucis, Keilo a demandé à Isobé de la rechercher dans le monde, elle lui a dit qu'elle renaîtrait quelque part.

Il ne savait pas qu'elle avait autant d'affection pour lui.

Isobe n'a pas réfléchi sérieusement à cette idée d'une réincarnation. Mais il a appris par hasard, par un savant américain, que sa femme reviendrait sur terre en petite fille, non loin de la ville de Vanarasi, aux Indes. Même s'il ne croit pas à cette histoire, Isobe décide de partir à sa recherche.

2) Mitsuko

C'est une femme plutôt méchante, inhumaine ; elle ne sait pas aimer. Elle aime faire du mal aux autres, en raison de sa nature profondément cruelle :

« Toute femme est habitée par un besoin irrépressible d'autodestruction. »
(p. 61)

Tout comme Shusaku, Mitsuko a été étudiante en littérature française ; tout comme lui, elle est passionnée par Mauriac, et elle établit un parallèle fort entre sa vie et celle du célèbre personnage de Mauriac, Thérese Desqueyroux.

Comme Thérèse, Mitsuko s'est mariée à un homme jeune, riche, beau et terriblement ennuyeux, terriblement conventionnel, terriblement bourgeois. Elle n'a pas été jusqu'à l’empoisonner, même si elle en a eu très envie.

Mitsuko a quitté son mari rapidement, et a vécu une vie plutôt insatisfaisante entre aventures sans lendemain et distractions sans joie.

A un moment, pour se punir, on ne sait pas exactement ce qui l'a poussée à cela, elle est devenue visiteuse de malades. Elle s'est employée très sérieusement à cette tâche, y a montré beaucoup de courage et a été très appréciée dans l'hôpital. Mais ce n'est qu'une apparence de bienveillance : au fond d'elle-même, elle joue le personnage de la femme bonne, mais elle ne l'est jamais complètement. On le comprend dans la scène où elle écoute les pensées de Keiko, la femme d'Isobe qu'elle vient visiter régulièrement, et ou elle refuse de donner son avis sur la réincarnation.

La grande histoire de Mitsuko, c'est une toute petite histoire qu'elle n'arrive pas à oublier. Quand elle était jeune, désoeuvrée et riche, elle a couché avec un jeune homme très sérieux, Otsu, qui voulait devenir prêtre. Elle lui a demandé d'abandonner son Dieu, et Otsu l'a fait, par amour pour elle. Alors elle l'a abandonné, comme une vieille chaussette. Elle a séduit Otsu simplement pour l'obliger à se renier.

On retrouve ici un thème important, qui a déjà servi dans un autre roman célèbre de Shusaku, La femme que j'ai abandonnée. Dans ce livre, la situation était inverse : l'homme laissait tomber la femme, qui s'appelait Mitsu.

Dans le fleuve sacré, Mitsu est devenue Otsu et Mitsuko remplace Yoshioka. Ce sont tous des personnages que l'on retrouvera très souvent dans les romans catholiques de Shusaku.

Après son divorce, Mitsuko a entendu dire par des amis qu'Otsu vit aux Indes. Elle a décidé de partir le chercher, car elle compris qu'Otsu possède quelque chose, dont elle manque cruellement.
Le couple étrange formé par Otsu et Mistuko symbolise la séparation du bien et du mal telle que Shusaku la pense, une séparation à la japonaise où les extrêmes s'attirent et se rejettent, où ils forment une unité instable et deux parties indistinctes.

Mistuko est la mauvaise femme, et Otsu l'homme bon, dans toute sa perfection.

Très clairement, Shusaku nous fait comprendre que Otsu est une représentation du Christ. Il utilise à plusieurs reprises un extrait du livre d’Isaïe, le verset 53, dans lequel est annoncé le personnage du Rédempteur :
« Il n'est ni laid, ni beau. Il est misérable et pitoyable.
Il est méprisé et abandonné des hommes.
Il est habitué à être détesté. Il est rejeté par les hommes qui se cachent le visage avec leurs mains.
Il est celui qui porte nos souffrances et nos peines. »
(pp. 66 et 266).

Ce choix du texte biblique est très important, car il indique l'identité du personnage biblique que représente Mitsuko.
Ce n'est pas Marie-Madeleine, car Mitsuko n'est pas simplement une femme de mauvaise vie, c'est une femme mauvaise, une femme fondamentalement mauvaise. Et le livre d’Isaïe est le seul livre de la Bible qui évoque la figure d'une femme totalement mauvaise. Mitsuko est Lilith, la femme qui détruit.

3) Numata

Numata écrit des livres pour les enfants. Quand il était petit, il a vécu à Dairen (Dalian) à Manshuku (Mandchourie) avec ses parents. La même ville que celle de Shusaku enfant.

A cause du divorce de ses parents, il a dû rentrer au Japon et quitter les seuls amis qu'il possédait : Li, un boy (un domestique chinois) et Noiraud, son chien.

A cause de cette expérience douleureuse et triste, Numata est devenu écrivain pour les enfants.

Il est retombé malade de la tuberculose, et il a été opéré 3 fois (tout comme Shusaku). Tout comme l'auteur aussi, le cœur de Numata s'est arrêté un moment, au cours de ces opérations très délicates.

Au moment où Numata a cessé de vivre, son perroquet (kyuukancho) est mort. Et Endo est brusquement ressuscité. Comme si le kyuukancho était mort à sa place.

Tout cela a rendu Numata bien triste et il se sent en dette avec son kyuukancho.

Il apprend un jour qu'il y a une excursion touristique pour les Indes, et qu'il existe là-bas des réserves pour les oiseaux. Il décide d'y aller pour libérer un kyuukancho.
4) Kiguchi
Il a vécu l'expérience terrible de la guerre en Birmanie. Il appartient à la même génération d'avant-guerre que celle d'Endo.

Au cours de cette guerre cruelle, alors qu'il allait mourir dans l'enfer de la jungle de Birmanie, son compagnon de guerre, Tsukada, l'a sauvé et lui a permis de rentrer au Japon, une fois la guerre terminée.

Ils ont travaillé dans des régions différentes, Tokyo et Kyushu. Un jour Tsukada est venu voir Kiguchi à Tokyo pour lui demander du travail.

Mais il était devenu alcoolique, car il ne peut pas oublier qu'il a mangé de la chair humaine pendant la guerre, pour sauver Kiguchi . (Tsukada a acheté de la chair humaine à un soldat japonais, pour sauver Kiguchi qui était en train de mourir de faim.)

A cause de cela il ne peut plus supporter sa vie, tant il porte en lui de souffrance.

Il est tombé malade, et a rencontré à l'hôpital un bénévole étranger qui s'appelle Gaston et qui s'est bien occupé de lui, avec tout son cœur. Gaston était le seul sur qui Tsukada pouvait compter.

Avant de mourir, Tsukada a tout déclaré de ses souffrances devant sa femme, Kiguchi et Gaston. Sans doute, Shusaku voit-il dans cet aveu une véritable confession. Il est vrai que Gaston va agir vis-à-vis de Tsukada comme un prêtre en le lavant de ses péchés.
Pour lui donner l'absolution, Gaston va raconter une histoire de catastrophe aérienne, pour montrer que même dans le mal il y a du bien, et que même dans le bien, il y a du mal. C'est là sans aucun doute l’idée la plus importante de tout le roman, qui traverse toute l'histoire de ces personnages.

Après avoir écouté Gaston, Tsukada est mort rassuré et sereinement. Gaston s'est comporté comme le Dieu en sauvant Tsukada de son enfer terrestre.

On remarquera le choix des sonorités des prénoms, peut-être voulu par l'auteur, entre O-tsu, Tsu-kada et Ga-su-ton.

Kiguchi part aux Indes, le pays d'origine de Bouddha, car il veut prier pour Tsukada et ses amis de la guerre. Ils appartiennent tous à la même génération qu'Endo et ils ont tous gravi le Golgotha.

5) Otsu
appartient à la même génération que Mitsuko.

Ce personnage balourd, minable, méprisé (rappelons-nous la description d’Isaïe) est le plus important de tout le roman, surtout parce qu'il est le seul à n'avoir rien perdu.

Il est devenu catholique par l'intermédiaire de sa mère qu'il adorait, et à travers l'amour pour sa mère et ses croyances, il a rencontré l'amour du Christ. Et celui-ci l'a rempli d'une certitude, sans qu'il puisse vraiment en rendre compte, l'analyser. Otsu a la foi.

Quand il était étudiant, il est tombé amoureux de Mitsuko, au point d'abandonner l'Eglise pour elle. Mais lorsque Mitsuko l'a jeté facilement comme une éponge, il a pris conscience que l'amour humain était bien étriqué au regard de l'amour universel du Christ.

Il part donc en France pour devenir prêtre. Mais il est rapidement déçu par le Catholicisme européen, bien trop rationnel, bien trop catégorique, bien trop dogmatique.
Otsu n'accepte fondamentalement pas l'idée que le Bien et Mal soient réellement distincts ; il ne croit pas davantage que le Catholicisem soit le seule voie vers Dieu. Otsu est contre cet esprit sectaire : Il continue dans la voie du Dieu chrétien à la mode japonaise.
Le bien et le mal sont des catégories humaines, donc fragiles, confuses, et intimement mélangé. Il ne peut pas y avoir de pureté pour l'homme ; seul le Dieu qui présente autant de visages qu'il y a de religions est l'être pur et empli d'amour.

Shusaku explicite cette idée fondamentale en faisant parler Kiguchi, à la fin du roman, au terme de la quête.

« Voilà à quoi j'ai réfléchi. Dans le bouddhisme, le bien et le mal ne font qu'un et l'on ne peut pas qualifier une action accomplie par un être humain d'absolument juste. Au contraire, dans toute mauvaise action se trouve un élément rédempteur. Dans toute chose, le bien et le mal sont côte à côte et il est impossible de les séparer de la même façon qu'un couteau coupe les choses en deux. A mon camarade, vaincu par la faim insupportable, qui consomma de la chair humaine et fut anéanti par cet acte, Gaston lui dit que même au milieu d'un tel enfer, il était possible de rencontrer l'amour de Dieu. »
(p. 303)
A cause de ses idées, Otsu n'est pas accepté par l'église catholique européen.

Finalement, il part aux Indes. Habillé comme un intouchable, Otsu va aider les pauvres, emporter les morts, même s'ils sont hindous, car dans son esprit l'amour et la force d'aider viennent de Dieu, qui appartient à plusieurs religions.

Il rencontrera là-bas Mitsuko, dont il était autrefois amoureux.

Otsu est Endo, qui lui aussi a étudié le Catholicisme en France, et a été déçu par sa vision restreinte du sacré. Le religieux n'est qu'une porte d'entrée, le sacré est un palais gigantesque, qui possède plusieurs portes. Lorsque le Catholicisme se refuse à la reconnaissance des autres religions, lorsqu'il n'est pas œcuménique, il s'éloigne complètement du sacré, et devient une simple gestuelle.

Cette idée est le principal sujet de ce roman.Le sacré est représenté ici par le fleuve Gange, tellement grand et généreux : comme le Dieu d'Endo, le Gange accepte tous les humains, vivants ou morts, sans différence, et les recueille dans son amour.

L'universalité du sacré, l'indistinction entre bien et mal, l'indistinction entre vie et mort, Endo n'a pas changé d'idée jusqu'à sa mort. Otsu représente vraiment Mitsu, de La femme que j'ai abandonnée, et Endo lui-même.

6) Sanjo

Les Sanjo sont un couple, mais ils fonctionnent comme un seul et même personnage, tant ils sont également futiles, égoïstes et matérialistes.

Ils sont de la nouvelle génération et ils n'ont jamais connu la souffrance : snobs et légers, presque inconsistants, ils incarnent la nouvelle société japonaise que Shusaku, tout comme Mishima son ami, critique pour son manque de culture et de spiritualité.

Le couple de Sanjo et Otsu sont complètement opposés.

7) Enami
est symboliquement un passeur, c'est-à-dire celui qui fait passer le fleuve, celui qui unit les deux rives, le Japon et l'Inde.
Enami est Japonais, mais il a vécu aux Indes pendant 4 ans pour étudier la philosophie indienne. Enami se situe donc entre les deux cultures, celle du matérialisme et celle du sacré, ce qui n'est pas facile à accepter pour lui. Enami, en tant que chef de groupe, accompagne tous les touristes en Inde.
Chaque fois qu'il guide les touristes japonais, il essaie de leur expliquer les Indes profondes. Et bien souvent, malgré toute sa sensibilité et sa culture, il ne peut pas communiquer. Les Japonais ne peuvent que flotter à la surface des choses, ils n'ont plus suffisamment de profondeur.

Enami est un Japonais cultivé, frustré par une modernité japonaise qui a perdu tous ses repères sacrés.

B) Analyse

Un critique a écrit que ce roman raconte l'histoire d'une recherche de l'âme perdue. Je crois que c'est juste. Tous les personnages se retrouvent aux Indes, chacun avec sa vie et ses espoirs, et ils y ont retrouvé quelque chose d'important à la fin de leur séjour devant le fleuve du Gange : leur âme.

Isobé a compris que la réincarnation n’existe pas, mais il a éprouvé une renaissance dans son coeur en retrouvant l'amour de sa femme.

Mitsuko était une femme moderne et rationnelle, qui ne pouvait pas aimer les gens. Mais après sa visite au fleuve sacré, elle a compris qu'elle aime Otsu.

En se moquant de lui, en le considérant comme un clown, un Pierrot stupide, Mitsuko a rencontré Tamanegi (oignon kami, le dieu d'Otsu), qui est entré dans son coeur. Dans le Gange, elle a retrouvé quelque chose d'Otsu, dont elle a manqué, l'espérance et l'amour.
Otsu est comme le miroir de Mitsuko.

Numata, lui, a pu remercier le kyuukancho, en le faisant libérer dans une réserve ornithologique. Lui aussi est libéré, car depuis la mort de son ami kyuukancho, il était préoccupé par cette histoire.

Kiguchi a pu prier pour son compagnon de guerre et tous les autres, devant le Gange. Il est donc satisfait.
Endo l'a choisi pour représenter sa génération, une génération sacrifiée. Endo n'a pas fait la guerre à cause de sa maladie, mais il a éprouvé la souffrance et connu lui aussi, l'enfer d ela maladie. toute sa vie pour les gens qui fait la guerre qui sont morts cruellement.
Otsu, jusqu à sa mort, s'est comporté comme un tamanegi, en sauvant les gens qui ont des problèmes, sans distinction de religion (il a agi comme le personnage de Mitsu.)

Otsu est mort pour protéger Sanjo, tout comme Mitsu s'est sacrifiée elle aussi : le plus profond a sauvé le plus superficiel.

Otsu incarne l'esprit d'Endo, contre le Catholicisme Européen jugé trop étroit, influencé dans cette opinion par John Hick (philosophe des religions anglais).

Je retrouve l'ombre d'Endo dans chaque personnage, surtout chez Otsu et Numata.
Dans tous leurs personnages, Endo a mis une partie de sa vie et de ses convictions.

Mais je n'ai pas parlé du personnage principal, le Gange, ce fleuve généreux, humain, prodiguant amour et renaissance sans distinction à tout le monde.

Le Gange, c'est le fleuve profond, le fleuve de la profondeur du sacré. Otsu est un homme profond, le seul du roman, aussi profond que le Gange.
Les Japonais et le christianisme ont un rapport ambivalent. Soit on le considère comme hanshin (Ce n'est pas un seul dieu : le shinto et le bouddha s'associent pour l'amour et le dieu. Les Japonais vivent tout les jours sans vraiment penser l'amour et le dieu), soit l'on pense à yuuitsushin (Un seul dieu , qui ne se mélange pas avec l'autre religion, même s'il existe des affinités.)
Endo s'est exprimé par ses personnages : l'amour et le dieu vont se révéler aux Japonais devant le Gange tellement grand et généreux.

La force du christianisme d'Endo est montrée par le personnage d'Otsu qui, jusqu'à la fin de sa vie, n'a pas abandonné le sacré, ce dieu qui a plusieurs visages, tout comme le Gange présente plusieurs aspects. Tous les personnages, toutes les vies, même les plus superficielles, conduisent à la profondeur du sacré, parce que les hommes sont mortels, et parce qu'ils peuvent atteindre à l'immortalité.

Cela, c'est le grand thème du monde d'Endo, le grand thème de sa vie.

Je vous remercie

Fin

Nobuko VERMILLAC